Extrait d’un article de Corinne Renou-Nativel , La Croix du 15/06/2022
Lieu de vie, mariage, enfants, destination de vacances ou décoration de la maison… Petits et grands choix tissent la vie des couples.
Qui dit décision de couple pense aussitôt en grand format, avec des questions des plus engageantes : Vivre ensemble ? Se marier ? Avoir un enfant ? Changer de région ? Des choix essentiels mais qui n’embrassent qu’une petite partie du vaste champ des arbitrages sur lesquels se construit une vie de couple.
Au quotidien, il faut se déterminer sur le menu du dîner, le film à voir à la télévision, les invitations adressées aux amis et à la famille, le choix d’une nourrice, l’orientation scolaire des enfants, la couleur des rideaux, l’achat d’une voiture et tant d’autres sujets qui ne susciteront pas tous un dialogue.
Une vision romantique du couple amène à penser que ne pas avoir besoin de se concerter, c’est de l’amour. Se figent implicitement les décisions et les rôles dans un contrat initial qui souvent ne dure pas parce que chacun va considérer que son avis pourrait être pris en compte. »
C’est ce dont témoigne Nathalie, comptable, 47 ans : « Philippe, mon mari, qui m’appelait avec ironie la “banquière de la famille”, commence à mettre son grain de sel dans des questions comme l’ouverture d’un compte, qui suscitaient en lui un profond ennui il y a peu. Je m’en réjouis, non sans une pointe d’agacement de le voir empiéter sur mon pré carré », reconnaît-elle.
Que l’un décide de la décoration, l’autre de la sortie du week-end, pourquoi pas ? Mais à condition d’en parler, estime Marie José de Aguiar, Gestalt-thérapeute : « Des automatismes s’installent dans la quotidienneté. Mais il est nécessaire de savoir où en est l’autre pour éventuellement remettre en question ce qui est établi. »
Cette répartition implicite des choix s’appuie généralement sur des intérêts. « Il est possible de déléguer à l’autre des décisions, ce qui ne signifie pas se décharger sur lui, note Bernard Prieur, thérapeute et auteur de « la famille, l’argent, l’amour : les enjeux psychologiques des questions matérielles » (Albin Michel, 2016). Pour éviter ce travers, il est important de reconnaître sa compétence et ses propres besoins. »
Idéalement les décisions se prennent à deux dans une « coconstruction ».
Décider a pour étymologie des mots latins signifiant « trancher » et « couper ». « Cela implique d’accepter de renoncer, indique la thérapeute. Si ce qu’on va recevoir est au moins aussi important que ce qu’on perd, ce choix est juste. Dans tous les cas, le dialogue demande une estime de soi pour s’affirmer dans les décisions. »